Alerte coup de cœur ! Il y avait un moment que je n’avais pas autant pleuré en refermant un livre. Des pleurs de douleur, de tristesse, de détresse … Impossible de m’arrêter. Les tripes dans tous les sens, la gorge nouée. Je n’étais pas préparée à ça, je me suis totalement laissée surprendre par le dénouement. Mélusine Huguet fait entrer en nous une certitude qui explose en quelques mots, en quelques silences. En lisant le résumé, je m’attendais à l’histoire d’une fausse couche, de la perte d’un enfant, d’un nouveau né … Puis on pense au triangle amoureux, simple mais efficace. L’enfant à naître n’est pas celui de l’officiel mais de l’amant. Puis au fil des pages, j’ai supposé la perte d’un être cher, de l’être aimé, de l’âme sœur, du futur père …
Résumé : Félicitations, madame Loiseau. Vous allez être maman !
Fonder une famille avec Antoine, c’est le rêve de Jade depuis le tout premier jour de leur amour. Elle devrait nager en plein conte de fées : Antoine est fou de joie, ils ont la trentaine, des situations professionnelles stables, un appartement avec une chambre supplémentaire et des familles aimantes, toutes prêtes à accueillir cette nouvelle vie. Une seule ombre plane sur ce tableau idyllique : celle du mensonge qui dévore progressivement Jade…
Puis arrivent les derniers chapitres. Et à ce moment-là tout se met en place dans notre esprit, l’horreur a un visage, un nom, une profession, un sexe. Le mal-être profond ressenti par le personnage de Jade ne sort pas de nul part, il n’est pas la conséquence d’une simple aventure. Il nait d’un acte, d’une agression, d’une soumission, d’une torpeur, de l’indicible. L’auteure choisit de nous mettre dans la peau d’Antoine, le compagnon de Jade. Antoine comme nous ignore tout, ne sait rien, il ne fait que constater la détresse grandissante de sa compagne. Elle est enceinte et pourtant se sent totalement détachée de cette grossesse qu’elle n’accepte pas. Avec un peu de chance, le fœtus ne tiendra pas et alors il n’y aura plus rien à dire. Mélusine Huguet nous livre les conséquences du secret, les amis, les membres d’une famille qui se délitent, qui ne comprennent pas, qui tendent une main jamais saisie. Les premiers temps on ne cherche pas trop, on s’interroge entre le fromage et le dessert. Mais petit à petit, l’inquiétude grandit et alors on imagine tout sauf ça.
C’est étonnant, parfois, comme on peut avoir la sensation de traverser un moment important, et d’en être conscient. De se dire que c’est un instant de notre vie dont on se souviendra toujours, un de ces instants qui marqueront, que l’on n’oubliera pas, jamais. Ceux pour lesquels il y a un avant et un après.
Au delà du récit, Mélusine introduit des extraits du journal intime de Jade prenant ainsi à part le lecteur. Nous devenons le psychologue recevant les confessions d’une patiente. Nous sommes les seuls à détenir ses confidences. Et pourtant. Même si ce journal devient pour elle une bouée, un phare dans la nuit, il n’en demeure pas moins qu’elle peine à clairement énoncer ce qui s’est passé ce 20 février. Alors quand la vérité éclate, ce sont avec elle une vague de questions qui nous submerge et c’est la force de ce roman. Il existe après la dernière page, il demeure, il explose à son issue, il continue de faire battre notre cœur, de pulser dans notre esprit. Que faire de cet enfant s’il n’est pas le fruit de l’amour ? Serais-je capable de le regarder chaque jour en voyant en lui le visage de mon agresseur ? Quels sont ses droits sur cet enfant ? Comment lui parler de son père ? De sa conception ? Doit-on lui révéler ou au contraire taire la vérité ? Comment ne pas lui faire ressentir la culpabilité ? Comment l’aimer ? Comment faire accepter à son conjoint l’enfant d’un viol, l’enfant d’un autre ? Comment se libérer de la honte ? Comment raconter l’histoire de cet enfant à sa famille ? Doit-on le faire ? La naissance synonyme de délivrance est ici synonyme de reconstruction, de vérité et de justice.
L’auteure nous offre une Jade admirable qui nous surprend tout au long du récit. Dans l’ignorance de la situation, le lecteur peut facilement la considérer par le prisme des hormones qui n’en font qu’à leur tête, celui de la femme qui a joué pour finir par se brûler. En réalité, se taire, ne rien dire, faire comme si, servir des excuses pour ménager les siens nécessitent une force incroyable, une résilience de tous les instants, un abandon de soi total. Jade est un symbole de courage, de puissance, de résistance, de volonté, et d’héroïsme. Car malgré sa douleur, le déchirement, son supplice et ses angoisses, elle a la force de penser aux autres, à l’autre, à cette vie qui arrive, pure, vierge et qui n’a rien demandé.
Pour lire l’interview de Mélusine Huguet, c’est par ICI
Bonjour,
Je passe par hasard par ici, en cherchant quelques avis sur le livre de Mélusine, pour voir si les gens en restent aussi ému que moi après leur lecture.
Et, bon sang, heureusement que j’ai lu le livre. Je suis assez médusée de voir que vous vous permettez de dévoiler carrément la fin d’un roman…cela me sidère.
N’avez-vous aucun respect pour l’auteur ? Non parce que saper son boulot comme ça en quelques lignes, c’est bien moche.
On est d’accord que c’est tout de même en ignorant le dénouement qu’on apprécie ce roman, hein ?
Alors pourquoi le raconter ici ?
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Bonjour Lætitia,
Le livre de Mélusine comme vous m’a profondément touchée. Compte tenu de son histoire, de l’épreuve qu’elle livre avec ce roman, qui en est le cœur, il me semblait difficile d’en parler sans dévoiler les prémices de la chute. Vous le précisez vous-même, vous avez lu ma critique après la lecture du roman … Vous connaissiez donc le moindre détail de cette histoire. Dans le cas contraire, auriez-vous eu cette même impression, auriez-vous su que je dévoilais une infime partie de l’histoire ? J’ai longuement échangé avec Mélusine qui a lu ma chronique. Si il y a bien une personne qui doit juger de mon irrespect, c’est elle. Bonne journée.
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