Dès les premiers chapitres de Contagion de Lawrence Wright (Cherche Midi), je me suis tout de suite sentie mal, nauséeuse, à la limite de somatiser et avec cette envie amplifiée de me laver les mains toutes les deux pages. Il est certain que la mention Prix Pulitzer m’a aidée à persister. Mais pour les lecteurs angoissés en ce moment par la crise sanitaire, je ne peux que conseiller d’attendre un peu avant de le lire.
Tout commence en Indonésie, lorsqu’une quarantaine d’homosexuels « enfermés » dans un camp sont atteints d’une maladie mystérieuse. Henry, épidémiologiste reconnu, décide de se rendre sur place pour étudier les symptômes et le virus. Une fois sur place, il se rend compte de la graviter de la situation. D’autres médecins français y ont trouvé la mort avant même d’avoir pu transmettre un semblant d’étude ni trouver d’antidotes. Il semblerait que ce nouveau virus ne touche pas que les plus faibles mais aussi les jeunes adultes, les enfants, les animaux, aucun profil n’y échappe. Un début d’épidémie qui devient incontrôlable quand Henry ordonne à son chauffeur de quitter immédiatement le camp, de se laver et de brûler ses affaires. Mais ce dernier est en partance pour un pèlerinage à La Mecque. Quand Henry tente de le retrouver pour le mettre en quarantaine, il est déjà trop tard. Le chauffeur a déjà pris l’avion et est en Arabie Saoudite. Malgré toutes les tentatives pour limiter la propagation du Kongoli, le monde entier est touché en un temps record.
Personne n’est prêt à utiliser la seule solution susceptible de fonctionner, c’est à dire amoindrir la population humaine afin que d’autres formes de vies précieuses soient préservées.
Ce thriller est construit dans une temporalité accélérée. Nous vivons la progression de l’épidémie en faisant des bons dans le temps pour passer par toutes les étapes d’une telle crise, quelle soit politique, sociale, sanitaire et sécuritaire. Nous la vivons à travers le personnage de Jill, la femme d’Henry restée aux USA avec ses deux enfants Teddy et Helen, à travers le regard de Henry, sans conteste le personnage principal du livre au cœur de tous les rebondissements, de toutes les grandes décisions, Tildy au sein du gouvernement américain …
Nous vivons les différentes vagues de l’épidémie, la quête d’un vaccin, les hôpitaux surchargés, les quarantaines, tout ce que nous connaissons aujourd’hui et aussi ce que nous ne pouvons imaginer : les rayons vides, les maisons abandonnées par ses habitants, des groupuscules semant la terreur, les écoles fermées, les guerres aussi … Et oui, il faut bien un coupable et pourquoi ne serait-il pas humain, l’humain capable dans toute sa folie conquérante de créer ce virus pour disséminer une partie de la population mondiale mais surtout américaine. D’où l’angoisse que fait planer Contagion. Celle que nous vivons actuellement et celle des semaines, des mois à venir que nous pouvons difficilement anticiper.
On estimait le nombre total de virus sur la planète cent millions de fois supérieur au nombre d’étoiles dans l’univers.
Lawrence Wright se base sur des faits scientifiques, des informations précises, des faits historiques aussi puisqu’il retrace l’histoire de virus bien connus comme le VIH, Ebola ou la peste pour comprendre ce qui se trame ici. Il faut vraiment saluer le travail de recherches incroyables et consciencieux pour nous servir autre chose qu’un énième roman catastrophe, avec des personnages clichés et une fin sans surprise. Au delà des aspects politiques et scientifiques, il y a dans Contagion un enchevêtrement d’histoires toutes plus passionnantes les unes que les autres. Ce n’est pas seulement ce virus qui mène la danse. Il y a aussi Dixon, l’officier en charge d’un sous-marin américain, Teddy, l’enfant sauvé in extremis au fin fond de la jungle et adopté, Jürgen, le savant fou, Majid, un prince saoudien tentant de freiner un conflit pétrolier internationale … Et au milieu de tous ces personnages, il y a Henry, le lien entre tous, ce fil tendu qui jongle et joue au équilibriste avec le Kongoli.
Contagion est un thriller stressant, oppressant, dramatique mais au delà de ce sentiment qu’il réveille en nous, il ne se contente pas d’une simplicité toute trouvée. L’horreur de la situation n’est pas gratuite, elle a été étudiée pour être juste de réalisme. J’ai la sensation que ce roman a presque été conçu comme un reportage journalistique. Il y a ce qu’il faut de terrain et d’analyse. Lawrence Wright nous offre des faits, il les vérifie et les explore pour nous servir une livre riche, complet et bouleversant.