J’ai lu ce roman il y a déjà quelques semaines et j’avoue l’avoir laissé de côté. Le temps a filé et me voici bien plus tard à devoir en écrire la critique avec plaisir toujours. Il va juste falloir que je me replonge dedans tentant de creuser dans mes souvenirs pour en sortir ce qui m’a plu. Parce que oui « Le plus fou des deux » a touché mon âme de lectrice. J’y ai vu comme un conte à la Amélie Nothomb avec plus de matière, plus de corps, plus d’émotion, moins d’automatisme et de raideur.
Résumé :
Que répondre à un inconnu qui vous met au défi de l’empêcher de se suicider le soir du réveillon ? Qu’on va l’aider, bien sûr, à changer d’avis. Surtout si, hasard ou prédestination, vous avez déjà été confronté à la même sommation trente ans plus tôt par votre propre père…
Marionnettiste célèbre, Lucie Paugham va ainsi commettre l’imprudence de faire entrer un inconnu dans sa vie. Au risque de faire voler en éclats tout ce qu’elle a construit.
Le spectacle vivant, source d’exaltation
La passion, c’est ce qui résulte de ce roman que j’aime qualifier de conte. Pour quelles raisons ? Il y a ce petit côté fantastique inscrit dans le réel qui arrive comme de petites étoiles scintillantes sur un fond de scène trop sombre. Il y a les prémices fous de ce qui s’annonce comme une histoire saugrenue. Il y a la surprise de ces premières pages. Lucie, une marionnettiste célèbre décide un 31 décembre à 18 heures d’aller voir un blockbuster pensant être tranquille dans la salle à savourer ce moment. Manque de bol, « une silhouette en manteau sombre a longé l’allée et s’est assise » à côté lui criant à la fin de la séance : « Donnez-moi une bonne raison, une seule, de ne pas me suicider cette nuit ! ». Comme toute réponse, elle propose à l’homme en question, Alexandre Lanier, un travail, un rôle de récitant pour son prochain spectacle avec sa marionnette fétiche, Théodora aussi célèbre sur le plateau que sa manipulatrice.
Créer, c’est mettre les mains dans la merde, il ne m’apprenait rien. Tout le travail de l’artiste est d’en masquer l’odeur et d’en faire un terreau riche où poussera quelques chose de valable.
Nous allons donc suivre ce processus de création confronté à une rencontre hasardeuse ou destinée … Au lecteur de choisir son camps. Toujours est-il que « Le plus fou des deux » ne fait pas dans le raisonnable, il fait clairement, comme son nom l’indique, dans la folie. Où comment une marionnettiste pointilleuse, minutieuse et organisée se laisse malmener par un personnage des plus mystérieux et impressionnant. N’est-il pas ce qu’il lui fallait pour mener à bien cette nouvelle création ? N’a-t-on pas besoin d’un peu de piment pour sortir de notre zone de confort et explorer d’autres horizons ? Il y est question de risque avant tout et de ce que nous sommes prêts à faire pour nous mettre en danger au détriment des autres. La présence d’Alexandre la déstabilise autant qu’elle la transporte et la transcende, il lui fait peur autant qu’il l’attire.
J’aime avant tout ces romans courts – 238 pages – qui nous transportent aisément dans leur monde sans faire d’impasses, ni de raccourcis. Sophie Bassignac prend le temps d’installer le sentiment, l’émotion, la peur, le manque, la passion tout en restant dans cette dynamique du récit qui me plait tout particulièrement.