Que j’aime découvrir de nouveaux auteurs et de nouvelles maisons d’édition. Choses faites avec Jean-François Dion et son dernier roman Les portes et les sons qu’elles font édité chez Carnets Nord. Si vous voulez une lecture qui vous prend aux tripes, qui vous bouscule, vous met en colère, vous empoigne pour vous serrer le coeur, lisez-le !
Résumé :
Un homme voit sa vie bouleversée le jour où un chauffard tue sa femme et son fils unique. Quatre secondes pour changer une vie.
Cela se fond avec la certitude qui peu à peu m’emplit, et déborde, et me noie, que je ne verrai plus vivre Julien. Que mon fils ne vit plus. Que je n’ai plus de fils.
Le résumé plante rapidement le décor. Il n’y a pas de mots pour décrire la puissance foudroyante d’un tel événement dans la vie d’un homme. Perdre toute sa famille en quelques secondes, dans un accident de la route, qui aurait pu être évité. Des histoires comme celle-la il y en a plein les journaux, la rubrique des faits divers en voit passer à l’appel. Les victimes ne s’en sortent pas alors que le chauffard responsable de cette atrocité se réveille le lendemain matin avec quelques égratignures.
Le processus mental d’un homme victime qui devient agresseur
L’homme, ce mari, ce père, toujours vivant mais victime lui aussi, est le « je » de ce roman. Son fils Julien et sa femme Françoise sont morts. Le chauffard s’appelle Ludovic Liénard. « Je » l’appelle « L’Ange » parce qu’il a une belle gueule. Nous accompagnons le processus mental du dernier membre de cette famille anéantie en quatre secondes. Il y a l’accident et il y a l’après. Que se passe-t-il dans la tête d’un homme qui vient de tout perdre ? Que se passe-t-il quand nous sommes victime d’une injustice que la justice n’est pas rétablie ? Jean-François Dion nous offre les différentes étapes de cet après où chaque chapitre s’entremêlent. Nous avons le « je » au moment de l’accident, nous l’accompagnons dans les jours qui suivent à l’hôpital, à la morgue, chez lui à faire le tri dans les affaires de sa femme et de son fils. Le « je », victime qui prépare sa vengeance. Le « je » agresseur qui finit en prison. Et enfin le « je » de la rédemption en retraite dans un monastère.
Je ne suis pas nerveux, ni angoissé, ni effrayé. Je dois le faire maintenant, parce que plus tard risque d’être trop tard, trop tard pour moi. Parce que plus tard j’ai peur d’avoir peur.
L’auteur réveille la colère du lecteur
D’emblée, l’auteur place le chauffard dans la position du personnage à détester. Alcoolique, misogyne, violent, ce Ludovic est un être écoeurant et nous nous prêtons à penser « mais quand va-t-il payer de sa vie ? ». Le « je » va apprendre à connaître ce jeune homme irresponsable en fouinant dans sa vie, en enquêtant sur ses habitudes. Ce « je » nous embarque avec lui dans cette enquête personnelle faisant grandir en nous ce sentiment de vengeance qui l’habite. Tout commence avec les rires de Ludovic émanant de sa chambre d’hôpital. Lui est en vie alors que Julien ne rira plus jamais. Nous sommes les yeux du personnage principal, l’écriture est telle que notre degré d’empathie atteint son paroxysme pendant toute la lecture.
Puis arrive le moment fatidique. Et là, Jean-François Dion nous saisit en pleine « rage » pour nous emmener vers un autre chemin. Chemin que nous ne pensions pas emprunter, celui de l’humanité.
Je n’en dirais pas plus mais ce roman est incroyable. L’auteur écrit la colère et la souffrance. Il l’utilise pour traduire la psychologie de son personnage. C’est un ouvrage puissant et salvateur.