Roman policier ou thriller, je suis une adepte des auteurs français, anglais et américains. Les rares tentations vers d’autres nationalités, scandinaves notamment, ont fini par me décevoir. Mais la météo de ces derniers jours m’a vraiment donnée envie de partir en Islande avec Ragnar Jonasson. Avec déjà quelques romans policiers à son actif, il est vu par certains comme « le prince du polar islandais ». Sans surprise pour ma part, puisque je le découvre avec son dernier manuscrit La dame de Reykjavik (Editions La Martinière) que j’ai vraiment très apprécié.
Résumé
Hulda a tout donné à sa carrière. Mais en faisant toujours cavalier seul. Elle a beau être une des meilleures enquêtrices du poste de police de Reykjavik, à soixante-quatre ans, sa direction la pousse vers la sortie. La perspective de la retrait l’affole. Tout ce temps et cette solitude qui s’offrent à elle, c’est la porte ouverte aux vieux démons et aux secrets tragiques qu’elle refoule depuis toujours.
Alors, comme une dernière faveur, elle demande à son patron de rouvrir une affaire non résolue. Elle n’a que quinze jours devant elle. Mais l’enquête sur le mort d’Elena, une jeune russe demandeuse d’asile, va s’avérer bien plus complexe et risquée que prévu.
L’inattendue Hulda
Premier élément qui me ravit : le personnage principal est une femme. Quel plaisir ! Mais ne cherchez pas la jeune capitaine de police, sortie d’école et fraichement débarquée au commissariat de la ville. L’officier Hulda est à 15 jours de sa retraite. La petite soixantaine, elle vit seule portant en son sein une lourde histoire familiale entre Dimma sa fille et Jon, son mari, tous deux disparus. A la fin du mois, elle sera remplacée par une nouvelle recrue « un jeune homme extrêmement brillant ». Ne souhaitant pas partir de la sorte, elle réussit à obtenir une dernière affaire choisie parmi les non résolues. Et elle jette son dévolu sur le décès d’une jeune Russe en passe d’être acceptée sur le territoire Islandais. Elle doute que l’affaire ait été menée correctement à l’époque.
Autant vous le dire vulgairement, Hulda s’apprête à remuer la merde en mettant le nez dans cette affaire. Et ça on aime ! On aime cette ambivalence dans le caractère de ce personnage finalement peu décrit physiquement par l’auteur. Une grande sensibilité doublée d’un carafon, d’une fugacité, d’une passion et d’une hargne à toute épreuve. Elle va remuer dans les brancards quitte à remettre en cause le travail de ses collègues et à bousculer les témoins – avocat, interprète, directrice du refuge … pour obtenir des réponses.
Cet incident remontait à plus d’un an et s’était déjà effacé de la mémoire collective. Non qu’il eut beaucoup attiré l’attention des médias à l’époque. Après les premiers émois autour de la découverte du corps, l’intérêt général était vite retombé et les feux de l’actualité s’étaient dirigés ailleurs.
Des chapitres courts pour un rythme soutenu
J’aime les chapitres courts ! Certains dans La dame de Reykjavik ne font qu’une seule page. Loin de me déstabiliser je trouve que ce découpage apporte un vrai rythme à la lecture. Ils apparaissent comme des post it dotés d’informations essentielles le plus souvent sur le passé d’Hulda, celui d’Elena et de son amie Russe Katja. Avec l’écriture de Ragnar Jonasson, nous sommes dans un train à grande vitesse qui nous permettrait malgré tout d’admirer le paysage, le tableau avec les personnages qui le constituent et son décor.
Et quel décor ? L’Islande ! Pays volcanique, tantôt verdoyant, tantôt couvert d’une neige hostile, l’auteur, avec ces va-et-vient dans le passé, nous offre toutes les saisons d’une partie de l’île puisque l’intrigue se déroule au sud ouest entre Njardvik et Reykjavik.
L’action policière nous embarque littéralement dans un voyage personnel et humain d’une future retraitée en passe de régler ses histoires les plus intimes. L’enquête apparait comme le fin prétexte d’une fine analyse psychologique d’Hulda persécutée par son passé et son futur à venir avec Pétur, médecin qu’elle voit depuis quelques temps.
J’ai été à la fois captivée par son histoire et par l’enquête dans un équilibre parfait de l’attention rendu possible grâce à cette écriture si particulière et si vivre. Ragnar Jonasson ne s’encombre pas du superflus, il va droit au but, avance au pas de course et nous entraine dans une histoire palpitante en un claquement de doigt.