Coup de coeur·Impressions littéraires

« Les Heures solaires » : Quand les secrets de famille mettent à mal des générations de femmes

Une double découverte pour moi avec cette lecture. La maison d’édition Stock Arpège que je n’avais jamais eu l’occasion d’avoir entre les mains et l’auteure Caroline Caugant que je ne connaissais pas du tout et lisais pour la première fois. C’est mon amoureux qui, encore une fois, a poussé les portes d’une librairie en Anjou, Le Renard qui lit, pour me dégoter un roman. Devant l’insistance des libraires, il est reparti avec Les Heures solaires. Un excellent choix ! Malgré le petit laps de temps qu’il m’a fallu pour entrer dedans, j’ai fini par être happée comme jamais par l’histoire de 3 générations de femmes : Billie, la trentaine, sa maman Louise qui vient de mourir et Adèle, sa grand-mère, disparue elle aussi.

Résumé

Alors qu’elle prépare sa prochaine exposition, Billie, artiste trentenaire, parisienne, apprend la mort brutale de Louise. Sa mère, dont elle s’est tenue éloignée si longtemps, s’est mystérieusement noyée. Pour Billie, l’heure est venue de retourner à V., le village de son enfance. Elle retrouve intacts l’arrière-pays méditerranéen, les collines asséchées qu’elle arpentait gamine, la rivière galopante aux échos enchanteurs et féroces, et surtout le souvenir obsédant de celle qu’elle a laissée derrière elle : Lila, l’amie éternelle, la soeur de coeur — la grande absente.

Comme l’eau de la rivière, les secrets enfouis se faufilent, même dans le creux les plus infimes. Ils vous habitent et habitent vos enfants. Ils dégorgent, reviennent sous une autre forme.

La mort hante chaque page

Caroline Caugant nous plonge immédiatement dans un univers où la mort est omniprésente. Et il n’y a rien de glauque à cette mise en lumière d’une quelconque mortalité puisque l’auteure y mêle une écriture très poétique, voluptueuse et lyrique. Le personnage principale Billie ou Bill, celle par où tout commence et où tout s’achève, vit dans le quartier du Père Lachaise, et peut à sa guise, depuis son appartement, zieuter le cimetière, les arbres qui dominent, les tombes laissées à l’abandon, les personnages de pierre qui veillent sur l’au-delà. Artiste, elle laisse facilement son esprit divaguer et chercher l’inspiration mais il y a comme un blocage que Caroline Caugant exploite jusqu’au bout, jusqu’à l’issue du roman. De ce blocage artistique nait toute une réflexion qui mène le lecteur à des histoires plus personnelles. Le décès de Louise, sa maman, va être l’élément déclencheur qui va permettre de tout révéler au grand jour.

La rivière, symbole de vie et lit mortuaire

Aux abords du village où Caroline Caugant place son intrigue et qu’elle nomme V., un nom mystère qui m’a un peu déstabilisée au début puis j’ai fini par comprendre que peu importait ce nom de village puisque l’histoire qu’elle nous livre ici n’a que faire d’une unité de lieu, elle est l’affaire de tous et n’importe où … Je disais donc qu’aux abords du village, V., coule une rivière claire, fraiche, tantôt ensoleillée, tantôt ombragée, une source de vie qui réjouit Billie, sa meilleure amie, sa soeur jumelle, Lisa. L’auteure en fait un havre de paix, un lieu de rencontre, de ressource, un endroit libérateur qui nous fait rêver. Et pourtant, s’y déroule trois décès : assassinat, accident et suicide. Une source d’eau, théâtre de bien des scènes de vie notamment relatée dans le journal d’Adèle, retrouvé par Billie.

Les rivières les plus silencieuses sont les plus profondes. Quinte-Curce

Les trois personnages féminins se confient, livrent un passé incertain à travers trois angles. Bill nous est présentée au présent, c’est elle que nous suivons dans ce cadran solaire nostalgique, Adèle, la grand-mère qui a laissé quelques écrits sur son grand amour parti à la guerre, le décès de son père, sa grossesse hors mariage et la naissance de Louise. Cette dernière nous apparait à travers le regard de sa fille Bill et de sa mère, Adèle. Un triptyque féminin atrophié, rongé par les non-dits, les secrets que Billie est bien décidé à arracher de la tombe, de la terre, de la rivière.

Des casseroles trainées de génération en génération

La thématique des Heures solaires se dessinent au fur et à mesure que nos sens et nos émotions de lecteur entrent petit à petit dans le lit glacé de la rivière. Il y a quelques années, j’avais entendu parler de la psychogénéalogie, de ces patients qui pouvaient avoir une certaine redondance dans l’impossibilité de se réaliser personnellement, socialement, et professionnellement. Il a été prouvé que nous intégrons parfois le passif de nos ancêtres, leurs traumatismes et que l’histoire se répète en nous jusqu’à ce que le noeud soit identifié et défait. Un syndrome de répétition, une résonance que subit le personnage de Billie, dont elle prend conscience au fur et à mesure de ces découvertes et qu’elle finit par désamorcer.

Les Heures solaires est un roman qui touche par son honnêteté, sa délicatesse, sa fougue, sa mélancolie, sa poésie. L’écriture est directe, scandée. Chaque phrase apparait comme des flashes, des bribes, des morceaux d’un puzzle vital. En le lisant, j’ai pensé à ma propre histoire, ma famille, mes ancêtres … Ont-ils eux aussi gravé en moi des morceaux d’histoires que même la mort n’a su effacer ? 

 

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