Coup de coeur·Feel Good·Impressions littéraires

« L’odeur de la colle en pot » : derrière la légèreté des années 90, la difficulté de sortir de l’enfance

Jamais un livre ne m’avait autant rappelé de souvenirs, de souvenirs d’adolescente. Je me suis revue dans ma chambre farfouillant dans ma trousse à la recherche de cette petite boîte de pellicule que je remplissais de billes de cartouche. J’avais ce fameux collier de chien noir qui laissait une jolie trace en fin de journée, les Buffalo à flammes (celle-ci), le pull Scott, la paire de Converse rose, les scoubidous sans oublier ce petit pot de colle en pot avec son éternelle odeur d’amande. Je l’humais à m’en faire mal à la tête. La couverture en noir et blanc avec ses deux jeunes adolescentes en jean et le titre ! Le titre ! J’ai tout de suite su que j’allais passer un très joli moment de lecture avec L’odeur de la colle en pot d’Adèle Bréau édité chez JCLattès.

Résumé

En Septembre 1991. Autour de l’unique téléphone fixe de la maison se chuchotent les secrets d’une famille en plein chaos : le chagrin de la mère, la fuite du père et les tourments adolescents de l’héroïne, qui déroule le fil de cette année si particulière où l’enfance s’éloigne.
Caroline restitue le portrait d’une génération désenchantée, les professeurs, les premiers flirts, les cafés où l’on fume encore, les cabines téléphoniques, les vidéoclubs, la musique triste dans son walkman, les cahiers Clairefontaine, les Guignols de l’Info, le bruit des craies et c’est toute une époque qui ressurgit comme lorsqu’on plonge son nez dans ces petits pots de colle à l’odeur d’amande.

Sortez une copie double, grand format, grands carreaux, perforée et écrivez dans la marge vos nom, prénom, classe

J’ouvre le livre et commence par cette première phrase du roman (ci-dessus) qui déjà me donne des frissons et me replonge en arrière. Le paquet de copie double encore vierge, la nouvelle trousse, le stylo bic qu’on utilise pour la première fois et cet effort consciencieux pour écrire le tout avec de belles courbes et sans rature. Adèle Bréau réussit dès les premières pages à plonger notre esprit dans un imaginaire nourri du réel où la lectrice que je suis s’est immédiatement identifiée au personnage de Caroline, 13 ans. L’usage de la première personne accentue ce phénomène tout comme le ton employé qui surfe sur la légèreté des propos, les pensées juvéniles et fugaces d’une adolescente, mais sans jamais tomber dans le ridicule. Avec sa copine Vanessa, elle virevolte dans cette étape cruciale de la vie où le premier baiser, la première pelle est au coeur de toutes les préoccupations.

Derrière l’insouciance se cache le mal-être

Mais derrière cette insouciance, Adèle Bréau saisit en plein vol les difficultés d’une telle entreprise où la croissance du corps jongle avec celle de l’esprit en proie à une observation de tous les instants. Caroline observe ce qui l’attend. Elle observe ces vies d’adulte qui s’accumulent autour d’elle. Celle de ses professeurs, de ses parents, de sa grand-mère … et pioche dans les méandres de ces parcours ce qui lui fait le plus peur : l’abandon, la solitude, le désamour et l’ignorance. L’auteur joue un excellent tour de passe passe. Tout en nous servant une ribambelle de souvenirs des années 90 avec Mitch Buchannon, « Madame est servie », la mort de Gainsbourg, les jeans 501, « La petite maison dans la prairie », la classe de neige, Culture Pub, Les Bronzés … qui nous font sourire et nous donne clairement envie de nous déhancher sur Mylène Farmer, elle nous injecte une piqûre de rappel remplie de ce mélange moléculaire de mal-être, de manque de confiance en soi et de complexes.

Le lecteur voit évoluer Caroline au fil des pages ainsi que les personnages qui l’entourent notamment ses parents en pleine séparation. Tel un caméléon, elle se sépare de son enveloppe d’enfant, d’adolescente pour entrer à la fois avec douceur mais aussi avec aigreur dans le monde adulte. L’odeur de la colle en pot n’est pas un roman édulcoré, lisse et sucré. Sous ses allures de célébration des années 90, il prend à bras le corps et à travers les yeux, les sentiments et ressentiments d’une jeune femme, la tourmente d’une phase cyclique que nous traversons tous.

Sortie prévue le 24 avril

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