Un homme. Richard. Quatre femmes. Vanessa, Emma, Kate et Maureen.
Qu’elles soient épouse, soeur ou amante, toutes les quatre ont vécu avec ce mâle décrit comme dominant, riche entrepreneur doté d’une situation professionnelle et financière très confortables. Je me suis même demandée si les deux auteurs, Greer Hendricks et Sarah Pekkanen, ne s’étaient pas inspirées du personnage de Christian Grey dans le très célèbre roman « 50 nuances de Grey ». Auprès de lui tout est parfait, il anticipe chacune de leurs envies, les protège, les couvre de cadeaux, achète de belles maisons, dine dans les lieux les plus branchés … Rien ne manque aux femmes qui partagent sa vie. Rien à part peut-être la liberté. Car sous ses traits lisses, derrière ce regard dépourvu de cernes, sous ses costumes sur mesure, Richard est un pervers narcissique.
Colère, peur, vengeance et culpabilité
La force de ce roman réside dans l’histoire personnelle difficile de chaque personnage. Elles et lui portent des casserolles telles qu’elles font un boucan d’enfer page après page. Vanessa (alias Nellie) se sent coupable, alors qu’elle était étudiante, du décès d’une prétendante à sa sororité. Sa mère bipolaire est morte. Elle a eu une aventure avec un homme marié sans le savoir et est tombée enceinte. Institutrice au moment de son mariage avec Richard, elle finit, après le divorce, vendeuse dans une boutique de luxe, la même qu’elle fréquentait quand Richard le lui permettait. Emma est obsédée par la vengeance après la séparation de ses parents suite à l’infidélité de son père. Kate, la première femme de Richard, dissimule, tant bien que mal, un boitement intempestif et ne peut s’empêcher de regarder par dessus son épaule à chaque déplacement. Maureen, la soeur aimante et aussi parfaite que son frère, tente de dissimuler ce qu’elle sait déjà à son propos.
Quatre mains, deux points de vue
Vous pensez que je spoile. Que non ! Je pose juste les fondations d’un enchevêtrement déconcertant et déstabilisant. Dans la première moitié des 450 pages, les chapitres alternent l’usage du « je » et du « elle », Nellie. Au regard de la pluralité des auteurs, un quatre main 100% féminin, je me suis dit : « Tiens voilà peut-être la réponse à ma question : comment écrire un roman à deux ». Un chapitre chacune avec un point de vue différent de deux femmes différentes. Jusqu’à ce que je prenne conscience que le « je » et le « elle » ne forment qu’une seule et même personne. Malin et très intelligent comme stratégie d’écriture certes mais qui m’a perdue quelques minutes. Compte tenu de cette information, j’ai d’ailleurs hésité à reprendre ma lecture depuis le début. Pour finalement me dire que les éléments se regrouperaient par la suite et que je comprendrais tout.
On s’imagine toujours former une union avec une autre personne alors qu’en fait il s’agit d’un triangle dont une pointe est contrôlée par un juge silencieux et omniscient, l’arbitre de la réalité.
J’ai tout compris en effet, les liens entre ce trio féminin face à un homme violent, les liens qui les unissent sans cette figure patriarcale. La clé de voûte du roman : la solidarité féminine. La pyramide se construit brique après brique entre fuite, psychose, stratégie, filature, mensonge, secret, colère, et vengeance. L’écriture est assez fluide pour ne pas nous perdre même si j’ai trouvé certaines situations un tantinet tirées par les cheveux avec des raccourcis marquants. Les deux auteures s’attardent sur des détails, des traits du passé, la maladie de la mère de Nellie par exemple, qui a mon sens n’apportent rien à l’intrigue ni même à la substance des personnages. Force est de constater que la puissance de Richard s’immisce parfaitement dans la lecture jusqu’à en devenir étouffant et stressant, je m’attendais à frissonner plus que ça, à me laisser surprendre. Malheureusement, le récit tire en longueur et la révélation finale retombe comme un soufflet.
Le New York Times Book Review qualifie d’ailleurs ce best seller de thriller. Si vous êtes un adepte du genre, comme je le suis, passez votre chemin. Vous serez déçus.