Bd·Impressions littéraires

Quentin Zuttion / Donner de la couleur aux corps et leurs émotions

Toujours et encore grâce à MadmoiZelle, j’entends parler au détour d’un podcast (encore !) de Monsieur Q ou Quentin Zuttion. Dessinateur pour la presse, l’édition et la publicité, il sort sa première BD « longue », Sous le lit, en 2016. Une première entrée en matière qui complète sa trilogie de sites internet : Les Petits mensonges de Mr Q., L’Ultra-book de Mr Q et Carnet d’un amoureux trop maigre.

En juin dernier, il a publié Chromatopsie aux Editions Lapin. D’emblée, j’ai cru à un mot inventé, sorti tout droit de son imaginaire pour illustrer les quelques 230 pages de dessins et de dialogues. Puis j’ai fait mes petites recherches : il s’agit en réalité de la faculté à percevoir les couleurs mais également d’un « trouble de la vision caractérisé par l’impression subjective de voir colorés des objets incolores ou par la perception de couleurs différentes des couleurs réelles ». Je tourne donc les premières pages avec cette définition en tête.

Chaque personnage est en quête d’un renouveau, d’une identité, d’amour… Ils s’affirment ou s’enferment, consciemment ou non, pour s’accepter et vivre libres.

Le roman graphique de Quentin Zuttion est indissociable du corps, de son appréhension, de son acceptation, de sa perception et de sa sexualité. A la Léonard, il dresse son homme et sa femme de Vitruve en 11 chapitres : Rouge, Blanc, Jaune, Rosée, Orange, Bleus, Grises, Pourpre, Verte, Noire et Peaux. Tous ces chapitres, toutes ces couleurs sont annotés des émotions, des sentiments, des mots qu’ils inspirent : l’obsession, l’apaisement, la liberté, l’insouciance, la découverte, la piquante, la mue … Des associations portées par une palette, par des touches de couleurs qui arrivent comme une information sur l’état émotionnel des personnages.

Les histoires dessinées et racontées par Quentin Zuttion oscillent entre réalisme et métaphore. Comme cette femme obèse, mal dans ses baskets, qui subit les moqueries et se gratte continuellement. Enfermée dans la salle de bain, elle voit sa peau se transformer en celle d’une orange qu’elle détache de son corps. Plus elle s’épluche, plus elle mue et plus elle quitte sa carapace et se débarrasse de son mal-être pour finalement apprendre à s’aimer. Ou cette autre femme qui subit les colères de son mari et ses empressements sexuels. Jour après jour, elle se réfugie dans l’art de cultiver son jardin, un jardin secret jusqu’au point de rupture où elle finit enfin par s’opposer. Une transformation en rose épineuse qui transperce le corps de son mari.

Son trait est fin et sensible. Il prend soin de tous ses personnages, de ce petit garçon de 6 ans qui s’habille en princesse à la vieille dame qui saute le pas de l’euthanasie pour rejoindre son bien-aimé décédé. Il prend tout aussi soin de ses histoires, ne sautant aucune étape, laissant les bouleversements tissés leurs toiles.

Ca te va bien, cette couleur.

Un livre à absorber d’une traite et à reprendre avec parcimonie quand le cœur nous en dit !

Chromatopsie aux Editions Lapin. 237 pages. 24 €

 

 

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