Première rencontre avec les éditions 2024 et l’auteure Sophie Guerrive qui réussit en un tour de philosophie à faire passer quelques messages, ciblés, en toute simplicité.
Le cadre est rapidement posé. Quelques lignes d’horizon, un arbre qui se dresse, seul, au milieu d’une étendue verte. A ses racines, Tulipe, un ours bien pensif, un tantinet rêveur mais empreint d’une sagesse réconfortante.
Autour de lui, jour après jour, gravitent Crocus, le serpent et sa copine Mimosa, Dahlia la taupe, Violette, l’oiseau amoureux du soleil sans oublier le caillou, jamais là où on l’attend. Tous arrivent assez naïvement avec leurs névroses, leurs pensées, leurs doutes, leurs peurs, leurs défauts, leurs exubérances et leurs questionnements. Parfois seul sur les planches, ils énoncent le problème comme si le simple fait de le verbaliser apporterait l’évidence. Mais souvent, l’élan collectif s’emballe dans un dialogue rythmé où chacun y va de sa remarque. En quelques bulles, la magie opère, le bon mot surgit, la logique aussi laissant le lecteur avec un sourire satisfait et cette pensée fugace que l’homme serait sûrement un peu moins bête s’il se posait les bonnes questions.
Sophie Guerrive réussit en 160 pages à brosser des thématiques telles que la productivité, la propriété, l’insatisfaction, l’importance de la contemplation, l’amitié, les déceptions amoureuses, l’envie, la confiance ou encore l’ennui sans jamais les nommer, sans jamais titrer aucune des planches qui se succèdent les unes après les autres. Assez facilement le lecteur en saisit le début et la fin. La dernière bulle, en pied de page, arrive assez naturellement comme un point finale à la pensée du moment.
Les dessins très enfantins se suffisent à eux-mêmes. Chaque personnage, aux caractères opposés et tous très attachants, mêle drôlerie, sérieux et absurdité. Il est assez aisé de se reconnaître dans certaines situations et il n’est pas rare, non plus, de rester en suspens, perdu dans ses pensées, avant de poursuivre la lecture plutôt satisfait comme si une petite ampoule venait de s’éclairer au-dessus de nos têtes.
On referme cette bande-dessiné philosophique et tendrement épicurienne avec un goût de reviens-y. Tulipe fait partie de ces livres qu’on ne laisse jamais trop longtemps à l’abandon dans sa bibliothèque, qu’on ressort facilement pour l’ouvrir au hasard ou partager avec un ami une page, une pensée furtive avec cette habile chute qui n’arrive pas trop tôt et jamais trop tard.
Quelques mots sur Sophie Guerrive
Bien décidée depuis l’enfance à faire de la bande dessinée, sous l’influence des strips comme Peanuts, Calvin et Hobbes ou Mafalda, elle commence à publier en 2007. Débutant par des histoires courtes, légères et minimalistes inspirées du format strip, elle développe progressivement, en parallèle, une œuvre dessinée influencée par l’enluminure médiévale, la gravure et l’estampe japonaise. Ses récits sont souvent teintés d’aventure et d’humour absurde, et l’on y retrouve ses thèmes de prédilection que sont l’univers marin, le voyage initiatique, les périodes antiques et médiévales ainsi que tout ce qui touche au symbolisme visuel ou narratif.
A découvrir la suite avec le Tome 2 Les Voyages de Tulipe